mardi, juillet 11, 2006

Savoir démasquer les manipulateurs

Ils cherchent à utiliser les autres quitte à leur nuire. On en rencontre dans toutes les entreprises. Conseils pour y voir clair dans leur jeu et ne pas se laisser abuser.

Manipuler est un mot à plusieurs sens. S'il s'agit seulement de chercher à influencer quelqu'un, de lui faire adhérer à un point de vue, rien de plus banal. C'est ce que font tous les jours les enseignants avec leurs élèves, les médecins avec leurs patients, les managers avec leurs équipes.
Mais manipuler peut aussi consister à mentir pour prendre de l'ascendant sur une personne à son insu, parfois dans l'intention de lui nuire. C'est alors une pratique dangereuse, car destructrice pour la victime.

Si le manipulé se laisse faire, c'est en général parce qu'il se trouve en position de faiblesse (peur de perdre son emploi, soif de reconnaissance, besoin excessif d'être aimé...), ou simplement par naïveté. Le manipulateur le sent et l'exploite. Mais si vous y voyez clair dans son jeu, vous pouvez aisément vous protéger.

Voici les quatre principaux types de manipulateurs. Apprenez à les repérer.

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1/ LE FLATTEUR
II se sert de votre besoin de reconnaissance.
Entendre vanter ses mérites, avoir l'impression que l'on est la personne de la situation : quoi de plus agréable ? Mais vous êtes-vous interrogé sur ce qui vous valait de tels lauriers ?
Lorsque ce directeur de la communication d'un grand groupe a été sollicité par le patron des achats, il ne s'est pas méfié. On lui déléguait une "mission de confiance" pour laquelle il avait "toutes les qualités d'expression requises" : annoncer que les voyages des commerciaux se feraient désormais en classe économique. Il n'a pas réalisé qu'en acceptant il allait être associé personnellement à cette mesure. Résultat : quand les cadres ont protesté, ils l'ont pris pour cible et personne ne l'a défendu.
Dans une situation comparable, demandez-vous quels sont les objectifs cachés du flatteur : vous affaiblir dans l'entreprise ? Préserver sa popularité ? Tester le climat social ? La parade consiste à se dire: "Pourquoi moi ?"
Par exemple, dans le cas précité, il aurait mieux valu qu'un DRH ou un contrôleur de gestion s'exprime.
Posez la question. Vous saurez vite si les motivations de votre interlocuteur sont légitimes ou pas.

2/ L'ESCAMOTEUR
Il vous met en cause pour se disculper
A la façon du prestidigitateur, l'escamoteur attire l'attention sur de faux problèmes pour masquer les vrais. Redoutable pour ses victimes.
Le directeur informatique d'un groupe agroalimentaire s'est vu ainsi injustement reprocher en public par le directeur commercial le retard que prenait l'installation d'un nouveau progiciel et des dysfonctionnements dans son service. Les récriminations sont allées droit au cœur de ce cadre exemplaire qui, incapable de prendre du recul, n'a pas pu contre-attaquer. Du coup, les regards se sont braqués sur lui et les vraies difficultés de l'entreprise sont passées inaperçues. Elles étaient justement dues au service commercial, sur le point de perdre le plus gros client de la société. Le directeur commercial a ainsi gagné deux ans, le temps que le directeur informatique revoie toute son organisation.
Lorsque quelqu'un s'en prend à une personne ou à un service, il est indispensable de savoir d'emblée en quoi cela peut profiter à l'accusateur. Puis prendre la mesure des reproches formulés et établir le lien avec le service de son collègue. Pas facile d'effectuer ce type de déminage à chaud, en public et Sous le coup de l'émotion. Mais on peut agir plus tard : si vous avez des alliés sûrs au siège de l'entreprise, n'hésitez pas à raconter votre histoire en demandant l'avis de vos interlocuteurs.
Prenez tous les éléments en compte pour analyser la situation : les jeux de pouvoir, la culture maison, la qualité de votre relation avec l'attaquant et vos propres objectifs de carrière.

3/ LE RESEAUTEUR
II fait croire qu'il a de puissants alliés.
C'est le manipulateur le plus machiavélique: il cherche à faire croire à votre entourage (et à votre insu) que vous avez rallié son camp ou qu'au contraire vous êtes contre lui.
Très souvent, son arme est la rumeur : il fait circuler des bruits de couloir pour discréditer ses concurrents ou se mettre en valeur en s'inventant des appuis flatteurs. Un procédé fréquent dans certains grands groupes, où l'habileté politique compte autant que le mérite pour progresser. Les victimes ? Souvent, les nouveaux venus dans la société.
Un jeune trésorier d'une multinationale s'est fait piéger de cette façon. Son directeur général avait fait croire à son entourage qu'il avait un lien personnel avec lui, pour montrer son intérêt envers les hauts potentiels. Résultat : le trésorier a vu certains de ses collègues se détourner de lui, et d'autres lui faire de grands sourires sans qu'il n’y comprenne rien. Tout le monde le prenait pour le chouchou du patron. Mais quand, deux mois plus tard, ce dernier est parti, son remplaçant a mal noté le jeune manager malgré ses bons résultats. Surpris, le présumé chouchou a demandé des explications à la DRH. Réponse : "Il est notoire que vous étiez un homme de l'ancien DG..."
Une autre technique du RESEAUTEUR consiste à vous demander des petits services. Si vous acceptez, un lien d'allégeance s'installe peu à peu entre vous et lui, aux yeux de tous.
Pour éviter de tomber dans le piège, renseignez-vous sur les jeux de pouvoir et les éventuelles guerres claniques au sein de l'entreprise. Et soyez toujours très clair sur vos positions : dans une situation similaire au cas ci-dessus, vous devez faire comprendre que vous n'êtes le "petit protégé" de personne. Quitte à refuser, avec diplomatie, de rendre un service, voire même une invitation à déjeuner. Et ne vous justifiez pas : cela risquerait de vous mettre en position de faiblesse.

4/ LE DESTABILISATEUR
II vous humilie pour vous dominer.
"Bonjour Monsieur !" La directrice générale adjointe en est restée pantoise. En vingt ans de carrière, personne ne l'avait jamais prise pour un homme. En présence du directeur général et du DRH, le nouveau PDG cherchait visiblement à la déstabiliser. Sur le coup, elle n'a pas relevé. Puis il a recommencé à la fin de la réunion, la saluant d'un "Au revoir Monsieur !" sonore. Elle a claqué la porte, effondrée.
Une telle attitude est déconcertante, mais, à partir d'un certain niveau de responsabilité, il faut faire preuve de répartie et ne pas se laisser intimider. C'est peut-être ce qu'a voulu tester le nouveau patron. L'absence de réaction face à une tentative d'humiliation révèle un manque d'estime de soi. Il est toujours possible de demander "A qui parlez-vous, il n'y a personne derrière moi !" ou "Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous me dites Monsieur ?". Une réaction est aussi possible plus tard.
Pour ne pas perdre son sang-froid, mieux vaut se préparer avant une réunion ou une négociation à toutes les éventualités (retards, insultes, silence...). Amenez votre interlocuteur à reformuler ses propos : "Voulez-vous dire que...". Si vous ne réagissez pas, la situation risque de s'aggraver.

Par Hélène Fourès (propos recueillis par Marie-Madeleine Sève) – Publié dans Management, janvier 2006

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LES SEPT ARMES DU MANIPULATEUR

Machiavélique, il mêle avec virtuosité le vrai et le faux, la sincérité et la duplicité, la spontanéité et le calcul.
- L'Incompréhension
Il la feint et prend les autres à témoin pour se disculper.
- La critique
Il relève le détail qui le met en position de force et s'en sert pour enfoncer sa victime.
- La mauvaise foi
Pris en défaut, il rejette systématiquement la faute sur son accusateur.
- La suffisance
Il refuse les idées qui ne viennent pas de lui pour asseoir son autorité.
- La paranoïa
Toute opinion contraire à la sienne est prise pour une attaque personnelle.
- L'ambiguïté
Il tient des propos un jour et fait exactement le contraire le lendemain.
- La culpabilité
Il la distille chez sa victime, jugée responsable d'un problème.