lundi, juillet 10, 2006

Les certificats de travail CH codifiés

Comment les rédiger sans fard et les lire entre les lignes

Deux guides pratique font la lumière sur les certificats de travail et donnent des conseils pour les écrire de manière claire et transparente. L’un d’eux explique aussi comment les comprendre s’ils sont truffés de codes.

En Suisse, c'est un document extrêmement précieux de la vie professionnelle, c'est même un droit du travailleur que de le recevoir. Pour l'employé, le certificat de travail prend toute son importance lors d'une recherche d'emploi, tant il aidera à ouvrir des portes ou au contraire jettera le doute sur les activités professionnelles pratiquées ou les compétences mises en œuvre. Pour l'employeur potentiel, c'est une source d'information intéressante, une preuve du passé professionnel d'un candidat.
Mais pour le rédacteur du certificat de travail, le chef d'une PME qui ne dispose pas d'un service des ressources humaines (RH) rompu à cet exercice par exemple, c'est souvent un casse-tête et un exercice linguistique peu agréable : Quelles informations doivent y figurer? Quelles formules utiliser? Quelles sont les sanctions si l'on masque la vérité? Et, à l'autre bout de la chaîne, comment lire ce document? Peut-on le faire modifier? Qu'est-ce qu'un bon certificat? Y a-t-il vraiment des codes ? Si oui lesquels ?

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Longtemps entouré d'un voile de mystère, le sujet est de moins en moins tabou. Et deux ouvrages font davantage la lumière sur ces thèmes.

Le premier livre* est né de séminaires animés depuis un an à Lausanne par Jean-Michel Bühler, spécialiste du droit du travail, et Jean Lefébure, consultant en management et en gestion des RH. Des formations d'une journée mises sur pied par la Société des employés de commerce pour répondre aux besoins criants de responsables RH.
Sous forme de manuel, l'ouvrage offre des conseils pour élaborer, rédiger et lire un certificat de travail; il donne de nombreux exemples. En contrepoint, il permet à un employé de savoir si son certificat est bon et quels sont ses droits. "Nous voulons montrer aux responsables RH comment écrire un certificat le plus authentique possible, en respectant les règles et sans torpiller l'employé qui s'en va", explique Jean Lefébure. C'est un exercice difficile puisque le texte doit être le reflet de la réalité professionnelle sans contenir d'éléments inutilement dépréciatifs», ajoute Jean-Michel Bühler.
Les deux auteurs rejettent clairement l'utilisation des codes et plaident pour la transparence. "Franchement, la majorité les chefs d'entreprise ne se lance pas dans ce genre d'exercice, estime Jean Lefébure. La plupart du temps, il faut simplement lire ce qui est écrit sans penser à mille sous-entendus." "N'allez pas chercher midi à 14 heures lorsqu'un certificat est simple et bon", ajoute Jean-Michel Bühler.
Leur message, c'est que le degré de satisfaction de l'employeur envers le collaborateur qui s'en va doit avant tout se transmettre par l'usage plus ou moins prononcé d'adjectifs et de qualificatifs. Car, bien sûr, il y a des formulations plus positives que d'autres. Ainsi, la phrase "Monsieur X nous a toujours donné pleine et entière satisfaction. Nous le recommandons chaleureusement à tout employeur souhaitant s'attacher ses services" est à l'évidence nettement plus favorable qu'un simple "Nous avons été satisfaits du travail de Monsieur T. Nos vœux l'accompagnent." Pour éviter d'exprimer ouvertement une réserve sur un employé, un autre moyen élégant est de pratiquer l'omission pour taire telle ou telle lacune de peu d'importance.

Liste de formules
Le guide pratique** rédigé par Denis Collé, ancien DRH et directeur du cabinet Profil Management à Genève, éclaire également sur le contenu du certificat de travail. Il donne des conseils pour sa rédaction, offre des exemples de certificats plus ou moins bons et s'attache longuement à la lecture des documents, aux formules utilisées et au fameux "langage codé" qui fait débat. Plusieurs pages sont consacrées à l'interprétation des formulations, en français et en allemand. Par exemple, un employeur écrivant que "Monsieur X a mis en œuvre toutes ses capacités" voudrait en fait dire que ses performances étaient faibles. Ou encore: "Monsieur S avait un sens des responsabilités au-dessus de la moyenne" signifierait qu'il "outrepassait ses fonctions".
Pour l'auteur, c'est clair, des formes de codages ou du moins une sorte de langage technique connu et compris des professionnels des RH ont existé et continuent d'être utilisées, un peu moins peut-être parmi les jeunes DRH. "J'entends de plus en plus souvent dire que l'on n'adhère pas à ces codes. D'ailleurs, certaines entreprises commencent à préciser noir sur blanc au bas des certificats qu'elles ne se reconnaissent pas dans ces pratiques", lance Denis Collé. Pour lui, il est important de livrer les clés de ces langages, ne serait-ce que pour "aider les travailleurs possédant d'anciens certificats de travail à les décrypter". Son idée: "Si tout le monde a accès à la grille de lecture, il n'y aura plus de raisons de l'utiliser."

Le certificat intermédiaire
Enfin, Jean-Michel Bühler et Jean Lefébure insistent sur l'importance des certificats intermédiaires, lors de changements de poste au sein de l'entreprise (mutation ou promotion), ou lors d’un départ d’un cadre supérieur. "Avant de partir, à la retraité ou dans un nouveau poste, un haut responsable devrait toujours rédiger des certificats pour les membres de son équipe. Cela évite des ennuis en cas de mésentente de tel ou tel collaborateur avec le nouveau chef", lance Jean Lefébure. Idem lors d'une promotion: untel peut franchir un certain nombre d'étapes dans la hiérarchie avec succès et buter à partir d'un certain seuil. B a donc tout intérêt à posséder des certificats intermédiaires positifs plutôt qu'un seul certificat final moins bon s'il y a un problème.
S'il y a un problème, justement, et qu'il se solde par un licenciement, cela n'a pas à figurer dans un certificat Celui-ci étant une "photographie du travailleur au travail", les raisons du départ (démission, congé) n'ont pas à y figurer - sauf s'il s'agit d'un licenciement économique. Là, tous les auteurs s'accordent à dire qu'il vaut mieux le préciser, ce qui permet de lever toute ambiguïté vis-à-vis d'un fùtur employeur.

* "De l'élaboration à la remise du certificat de travail. Conseils, bases légales et règles utiles", Jean-Michel Bühler et Jean Lefébure, Verlag SKV.2003.
** "Guide pratique du certificat de travail", Denis Collé, Helbing & Lichtenbahn, 2003.

Publié dans Le Temps, septembre 2003