mardi, juillet 11, 2006

Remonter les bretelles d’un collaborateur

C’est le BA-ba du management : pour diriger des gens, il faut aussi savoir les secouer quand ça ne va pas, et une bonne leçon ne doit en aucun cas tourner à l’humiliation.

Vous êtes mécontent du travail qu’il vous rend, de la bourde qu’il a commise... Le message passera bien mieux si vous tenez compte de son "profil"

Il était une fois...
Appelons-le Bertrand. Gestionnaire des stocks dans une maison d'édition, c'est un habitué de la gaffe. Le genre à expédier le colis de bouquins au libraire qui n'a rien commandé. Son chef a d'ailleurs pris l'habitude de le brocarder en public à ce sujet. Un jour, grosse boulette : Bertrand égare un tapuscrit [manuscrit tapé à la machine] que son patron attend à Francfort pour en vendre les droits. Le chef de service alerte le responsable des ressources humaines, David. Celui-ci prend quelques jours pour préparer une remontrance. Mais, le moment venu, ça ne se passe pas comme prévu ! "Loin de faire amende honorable, le gestionnaire des stocks a attaqué bille en tête, avec toute une liste de griefs", raconte David. L'entretien s'est si mal passé qu'il a dû envoyer un avertissement à Bertrand.

Voilà un bel exemple d'affaire mal gérée. Trois erreurs au moins ont été commises :
- "D'abord, au lieu de laisser traîner les choses, l'équipe dirigeante aurait dû réagir immédiatement", affirme Evelyne Dentz, vice-présidente du cabinet de ressources humaines Humblot-Grant Alexander. Un salarié qui a fauté le reconnaît plus facilement si on lui en fait le reproche tout de suite.
- Deuxième faux pas, c'était au chef de Bertrand d'intervenir, et non au responsable des RH, peu au fait des réalités quotidiennes.
- Troisième erreur, le supérieur direct de Bertrand n'aurait pas dû dénigrer son travail en public. "Rien ne démotive plus quelqu'un", dit Bernard Salengro, médecin du travail à Nice.

Alors, comment s'y prendre ?

suite... -------------------------------------------------------------------------------------------

Pour commencer, on doit préparer ce type d'entretien, toujours stressant, y compris pour le manager. Cette étape consiste d'abord à réunir les éléments objectifs, car il va falloir se montrer factuel. "On ne doit surtout pas s'attaquer à la personne, mais évoquer des faits bien précis", souligne Nathalie Loux, directrice de Franklin Covey France (coaching).
Pour sortir d'emblée du registre affectif et se placer dans un rapport professionnel, le mieux est de convoquer l'intéressé en se plaçant sur un registre plutôt formel : "Je voudrais te voir à 17 heures, à propos de l'organisation de ton travail."
Pendant l'entretien, on s'en tiendra à des constats objectifs : "Tu n'es pas toujours présent aux réunions de ton service. Ainsi, hier..." Le grand principe est de ne vouloir faire perdre la face à personne et de toujours chercher une solution gagnant-gagnant[win-win].

L'autre bonne recette à appliquer, pour un "remontage de bretelles efficace" est d' adapter systématiquement sa méthode au profil de celui qu'on sermonne.

Voici sept portraits types :

1/ LE JEUNE CHIEN
Depuis qu'il a été recruté, il met son nez partout, parle sans réfléchir et donne son avis sur tout, de préférence sur ce qui ne le regarde pas...
Frédéric, directeur financier d'un laboratoire pharmaceutique, a bien failli se séparer de ce contrôleur de gestion fraîchement recruté. "Ce débutant ne pouvait s'empêcher d'intervenir à tout propos, même sur des dossiers dépassant de loin sa compétence." Il n'hésitait pas, par exemple, à juger de la stratégie du groupe devant le directeur général, au grand agacement de ce dernier.
"Alors, un jour, je l'ai saisi par le revers de la veste et je lui ai crié très fort de s'en tenir à ses dossiers", confie Frédéric. A son grand étonnement, l'impudent a parfaitement compris le message. Et il est rentré dans le rang.

Quoique rustique, la méthode se révèle efficace. "En fait, les jeunes ont souvent un rapport d'ordre affectif avec leur patron", analyse Jacques Nimier, du laboratoire de psychologie appliquée de l'université de Reims. Une franche engueulade venant d'un supérieur respecté peut donc très bien passer, à condition qu'il témoigne par ailleurs de son estime pour son jeune collaborateur et pour son travail... Ce qu'a fait Frédéric.

2/ LE BARON
C'est un pilier de l'équipe, un collaborateur plein d'expérience. Mais il préfère jouer perso et s'emploie même à torpiller ce qui n'émane pas de lui.
Ce programmeur était le meilleur, le plus expérimenté : une vedette. Mais Patrick Teboul, directeur d'agence chez Aderhis Consulting, lui reprochait de faire de la rétention d'informations et de gêner l'aboutissement d'un projet informatique pour la simple raison qu'il n'en était pas de chef de file.
Avec un collaborateur de cette stature, il convient de prendre des gants tout en lui mettant la pression. Une bonne manière de le recadrer est de le recevoir en entretien et de souffler le chaud et le froid.
Seront présents son chef direct et son adjoint, ou quelqu'un de la DRH. Comme dans une négociation délicate, l'un des deux va jouer le "bon flic", l'autre le "méchant". Le premier sera plutôt bienveillant : "Oui, je comprends, vous souhaitiez être davantage écouté lors des réunions de cadrage..." Il s'agit de montrer au BARON la considération qu'on a pour lui et de désamorcer une éventuelle agressivité. Le "méchant", lui, mettra clairement l'accent sur les fautes commises. Il lui rappellera fermement qu'il fait partie d'une équipe et qu'il doit y tenir son rôle, rendu encore plus important par son expérience et son statut. "Nous ne pouvons pas accepter que vous refusiez de communiquer des informations vitales. Et il n'est pas admissible que vous compromettiez un chantier de cette nature." Sous un prétexte quelconque, le "méchant" sortira alors pour laisser le chef proposer en tête à tête à son salarié une solution qui le valorise... tout en réglant le problème.
Dans ce cas précis, on a confié au programmeur un projet important, avec la supervision d'une équipe à laquelle il a dû transférer ses connaissances.

3/ LE TIMIDE
II l'avait pourtant méritée sa promotion. Mais voilà qu'il se montre bizarrement passif dans son nouveau poste. Et il se met à multiplier les fautes.
PDG d'une grosse PME du bâtiment, Damien est catastrophé. Il a bombardé son directeur financier, Denis, à la tête d'une nouvelle filiale en province. Mais rien ne marche comme prévu. Depuis sa prise de fonction, son homme de confiance semble se terrer dans son bureau. En réunion, il apparaît bafouillant, indécis. Et, pour couronner le tout, il vient de signer, sans avoir fait le moindre appel d'offres, un contrat avec un transporteur hors de prix.
Pas d'affolement ! "Celui qu'on parachute dans un environnement inconnu traverse une phase nécessaire d'inhibition", dit Nadim El Malki, psychiatre à Marseille. Mais il risque aussi de multiplier les erreurs si l'on n'intervient pas rapidement. "Et si c'est un vrai timide, il peut faire, abandonné à lui-même, un bouc émissaire idéal", assure Sylvie Brunet, DRH chez Gemplus.
La solution ? "Surtout pas de remontrances", prévient Nadim El Malki. En tête à tête, rassurez votre collaborateur sur l'adéquation entre son profil et son poste. "Accompagnez-le ensuite sur le terrain et valorisez publiquement son action", conseille Sylvie Brunet. Pour résoudre le cas de Denis, Damien s'est astreint à se rendre dans la filiale une fois par semaine pendant trois mois. Comprenant qu'il fallait dédramatiser la situation, il a confié à Denis qu'il avait lui-même, dans le passé, traversé une épreuve similaire. Denis est sorti de son cocon.

4/ LE RETARDATAIRE CHRONIQUE
Dans le service, il sème la pagaille par son incapacité à respecter les horaires et les délais. Les remarques et les rappels à l'ordre le laissent de marbre.
Bien sûr, il peut rester jusqu'à minuit. Mais Luc, chef de studio chez un éditeur de jeux vidéo, se vante de vivre sans montre. Le matin, il arrive quand ça lui chante, à 11 heures, voire plus tard, ce qui perturbe sérieusement le fonctionnement du service dont il a la charge. Philippe, son boss, réagit en multipliant les remontrances amicales, puis les rappels à l'ordre. Mais rien n'y fait.
Six mois plus tard, fatigué, il a l'idée d'une mise en scène. Il convoque tout le monde à une réunion de créativité pour le lendemain matin à 9 heures précises. "Luc, évidemment, n'était pas là. Alors, j'ai reporté la réunion au lendemain", explique Philippe. Après trois jours de ce petit jeu, l'agacement contre le chef de studio monte d'un cran. Le quatrième jour, Philippe ouvre la réunion à l'heure dite, sans Luc. Et quand ce dernier arrive enfin dans la salle, il lui lance sèchement : "Luc, ta présence n'est pas utile." La douche froide. Mais si la leçon a été efficace, c'est parce que Philippe a su faire en sorte de ne pas la transformer en humiliation. Conviant aussitôt Luc dans son bureau, il s'est expliqué avec lui et a insisté sur l'importance du rôle qu'il jouait dans la maison pour obtenir de sa part des efforts de ponctualité.

5/ LE FAINEANT MALIN
Il est très bon, très efficace, et réussit sans peine tout ce qu'il entreprend. Mais, dès qu'il en a la possibilité, il lève le pied et ne fiche plus que le strict minimum.
"Au bout de trois mois dans la société, Pascal avait pulvérisé ses objectifs et nous nous sommes dit que nous tenions là une vraie perle", se souvient Pierre B., directeur commercial d'une société de photocopieurs. Il a vite déchanté. Dès la fin de sa période d'essai, Pascal lève le pied. Six mois plus tard, il se met carrément en roue libre, se contentant de tournées de routine chez de bons clients.
Ce type de paresseux intelligent ne commet pas de réelle faute. Pour le recadrer, il faut bien choisir son moment Le coach Alain Orsini préconise de passer à l'action lors du classique entretien de debriefing. Là, le directeur commercial doit, sans agressivité, réactiver les bons vieux outils de contrôle des vendeurs : planning de prospection, prises de rendez-vous, etc. Sans oublier, bien sûr, la révision des objectifs et la carotte financière. "L'intéressé doit comprendre qu'il est désormais observé de près", dit Alain Orsini. Un tel recadrage sera encore plus efficace s'il est assorti d'un suivi mensuel des objectifs.

6/ LE JE-M'EN-FOUTISTE
II fait ses heures, oui, mais il bâcle son boulot, il y a toujours quelque chose qui cloche. Et les remontrances glissent sur son indifférence narquoise.
Bourrés de fautes d'orthographe, les courriers commerciaux qu'il envoie ? Ben oui, et alors ? Alain, cadre administratif dans une PME, n'en a cure. Il en rajoute même devant les collègues à la cantine : "De toute façon, les clients ne savent pas lire !"
Le je-m'en-foutiste est ainsi fait, analyse Evelyne Dentz, consultante chez Humblot-Grant Alexander : "II va offrir en permanence une prestation tout juste passable en s'arrangeant pour ne pas commettre d'impair majeur." Réagir à chaque petit manquement, à chaque tâche mal ficelée ? Difficile, on risque en outre de le braquer et de le conforter dans sa mauvaise volonté. "Les reproches ponctuels ne touchent pas ces personnalités", assure l'ex-chasseur de têtes Hervé Rofrich, PDG de La Boule Bleue, une PME marseillaise. Pour lui, la bonne façon de procéder est d'élever le débat. "Toute entreprise a une charte de qualité, un règlement intérieur ou, plus simplement, une tradition du travail bien fait. Il faut avoir un entretien particulier avec le fautif pour brandir ces valeurs et affirmer qu'elles sont intangibles», assure-t-il. Ainsi, on n'en est plus à discuter sur des points de détail ; on parle des grands principes. Et si le je-m'en-foutiste s'entête à les ignorer, il doit être conscient des risques qu'il encourt (lire ci-dessous "L'éventail des sanctions").
Après ce recadrage, on peut aussi faire jouer la pression amicale de l'entourage. "Dans mon cabinet, un consultant qui ne rend pas ses dossiers à l'heure se fait toujours houspiller gentiment par un de ses pairs", explique Patrick Teboul, directeur d'agence chez Adheris Consulting.

7/ LE FRUSTRÉ
Ce commercial s'est défoncé des années pour sa PME, mais il n'a pas eu le poste de direction espéré. Depuis, il fait preuve de mauvaise volonté.
Dans cette PME de produits du Sud-Ouest, Jacques a travaillé dur pour ouvrir plusieurs marchés à l'étranger. Ce jeune chef de produit export était sans conteste le plus dynamique et le plus compétent de l'équipe commerciale. Dans un environnement plutôt familial, il avait été assez apprécié pour que sa patronne lui promette le titre de directeur commercial. Ce qui lui permettrait d'être mieux reconnu sur le marché, au cas où... Seulement, la société a été rachetée par une autre, plus structurée et disposant d'un solide réseau de distribution. Jacques est de nouveau un commercial parmi les autres. Il le vit mal. Il a levé le pied, ne prospecte plus, peine à réaliser ses objectifs.
Comment le remettre sur les rails ? D'abord, il s'agit de bien cerner la cause du malaise en reconstituant l'histoire à froid avec l'intéressé. Une opération délicate, où il faut faire la part des erreurs ou des éventuelles affabulations du cadre et de ce qui relève de la responsabilité de la direction.
"Dans un tel cas de figure, recommande Nathalie Loux, directrice du cabinet de coaching Franklin Covey France, il faut parvenir à mettre fin à la frustration légitime de ce collaborateur. Dans ce but, on s'efforcera de lui faire une nouvelle proposition, mais en veillant à bien dissocier la responsabilité de l'actuel manager de celle de l'ancien." La promesse n'a pas été tenue, soit, mais n'oublions pas qu'elle a été faite par quelqu'un qui n'est plus dans l'entreprise. "Le manager doit se montrer simple et franc : dire qu'il ne peut pas honorer cet engagement qu'il n'a pas pris", explique Nathalie Loux. Cela aura le mérite de clarifier la situation et de montrer que le manager joue son rôle et assume ses responsabilités. Reste à remotiver la personne frustrée.
Il faudra donc lui fixer un nouvel horizon, et lui montrer que l'actuelle structure peut, elle aussi, lui offrir des perspectives intéressantes, en proposant de réexaminer sa situation à l'occasion du prochain entretien annuel. D'ici là, bien sûr, il devra lui-même démontrer tout ce qu'il est capable de faire... et que, pour le moment, son nouveau manager n'a pas encore vu !

Par Jean-François Paillard - Publié dans Management, janvier 2003

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DU BLAME A LA MISE A PIED, L’EVENTAIL DES SANCTIONS
Si vous appliquez une sanction, veillez à ce qu’elle reste proportionnée à la faute commise !

Si une mise au point n'a pas suffi, voici ce que prévoit la loi :
- Le blâme
Notifiée par courrier simple, cette sanction légère est destinée à marquer le coup après une faute mineure (retards répétés...).
- L'avertissement
Notifié par lettre recommandée avec accusé de réception, motivé de façon précise, il doit être prononcé après l'expiration d'un jour franc suivant la survenance de fautes répétées contrevenant au règlement intérieur : absences non justifiées, non-respect des horaires...
- La mutation disciplinaire
Elle se traduit par un changement d'atelier, d'équipe ou encore d'établissement, en raison de faits considérés comme particulièrement fautifs.
- La rétrogradation
Sanction lourde de conséquences, elle entraîne un déclassement professionnel dans l'emploi, les responsabilités et les fonctions du salarié. Comme pour toute modification du contrat de travail, le salarié peut la refuser.
- La mise à pied disciplinaire
Survenant après des faits gravissimes rendant impossible le maintien du salarié à son poste, elle suspend le contrat de travail, sans le rompre, pour au moins un jour. Elle doit être précédée d'un entretien, où on laissera au salarié la possibilité de s'expliquer.
- La mise à pied conservatoire
Justifiée par une faute rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, elle est un préalable au licenciement pour faute grave. Et donc définitive.

Par Joëlle Berenguer, avocate au cabinet Bensoussan

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REAGIR VITE ET DIRE AVEC CLARTE CE QU'IL Y A A DIRE
"Au cours de ma carrière, j'ai eu à gérer des équipes de vente, des pools de consultants, des patrons de business units. Et donc à recadrer plus d'une fois un collaborateur !
La principale leçon que j'en tire, c'est qu'il faut toujours réagir vite et dire clairement ce qu'on a à dire. Parfois, il convient même de réagir instantanément.
C'est ce que j'ai dû faire dernièrement avec un de mes chefs de projet, qui a perdu les pédales au cours d'un comité de pilotage. Il venait d'installer dans une entreprise un nouveau progiciel de gestion de la paie et celui-ci connaissait des ratés. Interpellé là-dessus, il a pris la mouche. Il a mis en cause le client, présent à la réunion, en l'accusant, de manière presque insultante, de ne pas savoir faire fonctionner le système.
Je me suis levé, j'ai prié le client de bien vouloir quitter la pièce un moment, j'ai fermé la porte derrière lui. Puis, les yeux dans les yeux, j'ai expliqué froidement à mon collaborateur qu'il avait franchi la ligne blanche. Désormais, l'alternative qui lui restait était simple : démissionner ou faire amende honorable.
Trois minutes plus tard, il présentait publiquement ses excuses au client.
Une telle réaction ne suffit pourtant pas à régler ce type de dérapage. Si l'on veut éviter qu'il ne se reproduise, il faut traiter le problème à fond, en organisant vite un entretien, dans la foulée de l'incident. Là, plus calmement, on va écouter le collaborateur, pour connaître ses explications et redéfinir éventuellement ses missions. Peut-être a-t-il été mal encadré ou a-t-il manqué de temps ?
Dans ce cas précis, j'ai accompagné ensuite ce consultant chez le client, pour bien lui montrer que je prenais en compte le travail accompli... mais aussi que je ne relâchais pas la pression !

Par Patrick Teboul, directeur d'agence chez Adheris Consulting

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GARE AUX DERAPAGES !

20% des salariés se sont fait déjà admonester devant des collègues
26% des femmes affirment subir un harcèlement moral au travail (13% chez les hommes)
68% des personnes interrogées disent ressentir des troubles psychiques ou physiques liés au travail